Le Congrès de 1976

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     Grenoble se veut une ville de Congrès. Il s’y en tient beaucoup. Pour l’anecdote, en 1976, s’est tenu le Congrès de l’U.A.I. (Union Astronomique Internationale) où, après débats, les participants ont délaissé pour manque de précision le temps des éphémérides, au bénéfice de l’échelle de temps atomique international dans lequel la seconde vaut : 9.192.631.700 fois la période d’une transition du Cesium 133. ( d’après E.Pillet Pa. 25)

     Les Ingénieurs des Arts et Métiers, quant à eux, tout aussi proches de leurs préoccupations du moment, se sont posé la question :

     “L’évolution des ingénieurs : réussite ou échec de notre temps ? ”

     Ce thème à l’intitulé sibyllin, traduisait le souci du Comité : intégrer dans la Société de jeunes ingénieurs issus des turbulences de l’époque, en harmonie réciproque avec leurs aînés. Les débats, pilotés par Taillardat (Pa.43) avaient fait l’objet d’un questionnaire préparatoire de travail adressé à tous les Groupes. Près de la moitié des questions s’adressaient aux Jeunes (Élèves ou Ingénieurs).

     L’organisation matérielle de ce Congrès incombait au Groupe des Alpes Dauphinoises. Cette nouvelle lui était tombée sur le dos en Juin 1975. La Commission de Groupe convoquée était restée dubitative devant ce cadeau épineux. Pourtant et heureusement l’un d’entre eux avait dit : “Un Congrès, c’est la messe des Gadz’Arts... On ne refuse pas la Messe !” . C’est avec cette pincée de motivation que quelques uns (mais pas tous) se sont mis au travail.

     Avoir l’avis des Jeunes suppose leur présence. Il fallait donc financer leur venue. L’argent, inodore, qui est le nerf de la Guerre est aussi le nerf de l’organisation des Congrès des Arts et Métiers ! Quelques Camarades (pas tous, mais un peu plus que précédemment), se sont mis à en chercher avec beaucoup d’abnégation, quémandant une publicité de soutien auprès d’annonceurs industriels en vue de la publication d’une “plaquette de prestige”. Travail ingrat, frustrant par les (n+1) relances nécessaires... Cette équipe a néanmoins collecté ... (voir bilan) Pendant ce temps, quelques épouses (pas toutes, mais étonnamment beaucoup), commandèrent et revendirent trainings, tee-shirts, frappés du sigle A&M “relooké” pour la circonstance. Ayant limité sa clientèle à la région Rhône-Alpes, cette équipe essentiellement féminine a quand même collecté... (voir bilan)

     Ainsi, forts de l’espérance des rentrées financières à venir, le Groupe n’a pas hésité à inviter , aux fins de participation, 48 Jeunes Élèves (trois par promos dans les Écoles et deux par Centre à P4). Puis sans savoir que nous étions dans le droit fil de la proposition formulée par Viallis cinquante ans plus tôt, nous avons demandé à chaque Groupe de France de financer le déplacement d’un Jeune Promo (et de son épouse) sorti de fraîche date. Car le Groupe des Alpes Dauphinoises s’était, aussi, fixé l’objectif (inavoué...) de rajeunir l’âge moyen du Congressiste.

     À ce stade, il n’y avait plus qu’a, quel euphémisme, organiser tout ce qu’il restait à faire, et le faire aussi bien que nos Camarades de Nancy l’avaient fait l’année précédente. Mais pour cela, nous étions déjà plus nombreux qu’avant !

     Nombreux et nombreuses, car nous avions associé nos épouses leur réservant ce qu’elle savaient faire mieux que nous : l’accueil, les menus, les cadeaux... Une analyse des programmes définis par les organisateurs révèle l’ampleur de la tache. Choix des hôtels (visites...), de la restauration (bancs d’essais...), des lieux de travail et de réjouissances, des transports (collectifs ou privés...), les animations ou festivités, les campagnes d’informations (Presse, Radios, Télévisions... loc ales, sans plus ! ), etc, etc... Et enfin, l’élaboration d’une plaquette de prestige, faisant honneur à la confiance de nos annonceurs !..

     À quelques jours de la date butoir, la Maison de l’Union des Ingénieurs, mobilisée à notre seul service, vivait quelques jours de surchauffe mémorables pour ceux qui y participaient et qui étaient nettement, très nettement plus nombreux qu’au départ...

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Suivait l’enchaînement, apparemment bien rodé, d’un Congrès classique.

Vendredi 15 Octobre : Journée du Comité de la Société.

Réunion de celui-ci dans les salons très “Hausmaniens” de l’Union des Ingénieurs. Puis repas à la Bastille, éperon terminal du massif de la Chartreuse dominant Grenoble, que P.L. Merlin souhaitait transformer en “Acropole” estudiantine. À l’issue du repas, le doyen Veyret de l’Institut de Géologie Alpine faisait un exposé en plein air et panoramique sur Grenoble, la plus grande ville du Massif Alpin Français. En fin d’après midi, le Comité était reçu par M. Janin, Préfet de l’Isère, en présence des principaux industriels de la ville ou de leurs représentants. Suivie d’une réception plus intime à l’Hôtel de Ville par le Maire de Grenoble H. Dubedout, Ingénieur lui-même , transfuge du C.E.N.G. Journée bien remplie pour le Comité...

Samedi 16 Octobre : Journée de la Société à l’Alpexpo.

Débutant par l’Assemblée Générale Ordinaire de la Société et suivie par les débats sur le Thème évoqué ci-dessus. Ces débats étaient ouverts par une conférence de P. Piganiol (Président de l’Association Futurible) qui situait les ingénieurs dans le champ de leurs responsabilités actuelles et futures et mettait l’accent sur l’importance de leur rôle (voir Revue A&M de Décembre 1976 page 52 dont nous ne reproduisons que l’illustration). Et puis en soirée, il fallait bien que le Congrès s’amuse, réunion au Palais des Sports de la ville, sous la croisée des immenses voûtes de béton conçues par Nicolas Esquillan (Ch.19), au milieu de l’anneau d’une piste prévue pour une épreuve cycliste de vitesse. C’était le seul endroit de Grenoble capable de recevoir les 830 participants à ce gigantesque Gala !... Et pour que certains détails de cette soirée ne soient pas perdus, notons qu’il y eut : un grand bar à roulettes, des faisans emplumés, une sonnerie de cor de chasse, un défilé de mode sur le bar devenu podium, une caravane de camping pliante, une panne d’électricité mais un gratin Dauphinois chaud, etc, etc... Et l’Histoire n’a pas tout retenu.

Dimanche 17 Octobre : Journée de conclusions des débats et du Congrès.

Cette journée studieuse ne pouvait se passer que sur le Campus Universitaire. D’entrée, une “alerte à la bombe” provoquait l’évacuation de l’Amphi Weill. Cette récréation imprévue permettait à certains d’entre nous de se réveiller tout à fait. Mais malgré cet impromptu, les débats furent consistants et ouverts. Les conclusions du Président de la Société Gérard Delille (Lille 30) furent à son image : exigeantes quant à l’esprit Gadz’Arts, flamboyantes quant au style.

Le rideau s’apprêtait à tomber sur le Congrès de Grenoble. La “Messe des Gadz’Arts” chère à Paul Marion venait d’être dite. Les congressistes s’attardaient sur le parvis de l’Amphi Weill, profitant une dernière fois du point de vue exceptionnel qu’il procure sur les Alpes Dauphinoises. À cet instant, et seulement à partir de cet instant, le Groupe de Alpes Dauphinoises savait qu’il avait rempli son contrat.

Texte de Jean Serres, Ai. 44